Prix Nobel de littérature 2002 – Communiqué de presse

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Le secrétaire perpétuel

Communiqué de presse
Le 10 octobre 2002

Prix Nobel de littérature 2002

Imre Kertész

Le prix Nobel de littérature pour l’année 2002 est attribué à l’écrivain hongrois Imre Kertész

« pour une œuvre qui dresse l’expérience fragile de l’individu contre l’arbitraire barbare de l’histoire. »

L’œuvre d’Imre Kertész examine si la possibilité de vie et de pensée individuelles existe encore à une époque où les hommes se sont subordonnés presque totalement au pouvoir politique. Son œuvre revient continuellement sur l’événement déterminant de sa vie : le séjour à Auschwitz où il fut déporté adolescent lors des persécutions nazies des Juifs hongrois. Pour l’écrivain, Auschwitz ne constitue pas un cas d’exception, tel un corps étranger qui se trouverait à l’extérieur de l’histoire normale du monde occidental, mais bien l’illustration de l’ultime vérité sur la dégradation de l’homme dans la vie moderne.

Dans son premier roman Sorstalanság, 1975 (Etre sans destin, 1997), Kertész raconte l’histoire de Köves. Arrêté puis déporté dans des camps de concentration, le jeune homme s’adapte et survit. Le livre se sert d’une stratégie d’aliénation permettant de considérer la réalité du camp comme tout à fait naturelle, un quotidien semblable aux autres, si ce n’est pour ses conditions de vie ingrates, avec parfois ses moments de bonheur. Köves promène un regard d’enfant sur les événements, sans bien les comprendre, sans les trouver anormaux ou révoltants – il n’a pas le recul du lecteur. La crédibilité choquante du récit s’explique peut-être justement par le fait qu’il lui manque cet élément d’indignation morale ou de protestation métaphysique que le sujet revendique. Le lecteur est confronté non seulement à la cruauté des exactions mais tout autant à l’immense irréflexion qui caractérisait leur exécution. Pour les bourreaux aussi bien que pour leurs victimes, absorbés dans l’omniprésence des problèmes pratiques, les questions plus vastes n’existaient pas. D’apres la conviction de Kertész, vivre, c’est s’adapter. La faculté d’adaptation du prisonnier à Auschwitz est une expression du même conformisme que celui qui règle notre quotidien et notre vie sociale.

Par ce raisonnement, l’auteur se rattache à l’école de penseurs qui dichotomise vie et âme. Dans Kaddis a meg nem született gyermekért, 1990 (Kaddish pour l’enfant qui ne naîtra pas, 1995), Kertész donne une image foncièrement négative de l’enfance et il attribue à ce premier stade le sentiment paradoxal du chez soi ressenti dans le camp de concentration. Il achève son analyse existentielle implacable en représentant l’amour comme le comble de l’adaptabilité, la capitulation totale devant la volonté d’exister à tout prix. Pour Kertész, la spiritualité chez l’homme se révèle dans son incapacité à vivre. L’expérience de l’individu semble infructueuse dans la perspective des besoins et des intérêts de la collectivité humaine.

Dans le recueil de fragments Gályanapló (” Journal de Galère “), 1992, Kertész montre son envergure intellectuelle. ” Les justifications théoriques ne sont que des constructions “, écrit-il, tout en poursuivant un dialogue inlassable avec la grande tradition de critique culturelle – Pascal, Gœthe, Schopenhauer, Nietzsche, Kafka, Camus, Beckett, Bernhard. Dans son essence, Imre Kertész représente une minorité limitée à une personne. Son affiliation à la notion de Juif est pour l’écrivain une définition imposée par l’ennemi. Mais par ses conséquences, cette catégorisation arbitraire l’a initié à la plus profonde connaissance de l’homme et de son temps.

Les romans qui ont succédé à Sorstalanság, 1975 (Etre sans destin, 1997), A kudarc, 1988 (Le refus, 2001), et Kaddis a meg nem született gyermekért, 1990 (Kaddish pour l’enfant qui ne naîtra pas, 1995), revêtent avant tout le caractère de commentaires et d’ajouts au livre initial déterminant. C’est ce trait qu’exploite le thème de A kudarc. Dans l’attente du refus certain de son véritable roman, celui sur Auschwitz, un auteur vieillissant écrit pour tuer le temps un roman contemporain kafkaïen, un récit claustrophobe sur l’Europe de l’Est socialiste. Quand il apprend finalement que son roman initial sera malgré tout publié, il ne ressent qu’un sentiment de vide. Exhibée sur le marché littéraire, sa personne se métamorphose en un objet, ses secrets sont banalisés.

L’intransigeance de l’auteur sur sa jugement est clairement perceptible dans son écriture qui peut évoquer une haie d’aubépine, serrée et épineuse au contact du visiteur insouciant. Mais Kertész libère le lecteur du fardeau des sentiments obligés et attire vers une liberté de pensée singulière.

Académie Suédoise

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MLA style: Prix Nobel de littérature 2002 – Communiqué de presse. NobelPrize.org. Nobel Prize Outreach AB 2024. Thu. 28 Mar 2024. <https://www.nobelprize.org/prizes/literature/2002/8079-imre-kertesz-2002/>

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