Discours

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Discours prononcé par la présidente du Comité Nobel norvégien Berit Reiss-Andersen, Oslo, 10 décembre 2023.

Vos Majestés,
Vos Altesses Royales,
Excellences,
Représentants de la lauréate du prix Nobel de la paix,
Mesdames et Messieurs,

« Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits ». C’est ainsi que s’ouvre l’article premier de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Plus loin, la Déclaration poursuit « Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne. » Des millions de personnes dans le monde ne jouissent pas de tels droits ou protections fondamentaux car elles vivent dans des états ne respectant pas ces normes du droit international – un droit qui s’applique à tous, quel que soit le système politique par lequel un état autonome aura choisi d’être gouverné.

Les règles de droit figurant dans ce document sont inconditionnelles mais de nombreux états ne les appliquent malheureusement pas. La vitalité de ces règles de droit est quant à elle heureusement maintenue par des personnes engagées soucieuses de défendre leurs droits. Nous sommes réunis ici pour faire l’éloge d’un individu courageux qui en a fait précisément sa mission : elle a défendu les droits fondamentaux non seulement pour elle, mais pour tous.

Le Comité Nobel norvégien a décidé de décerner le prix Nobel de la paix 2023 à Narges Mohammadi pour sa longue et courageuse lutte contre l’oppression des femmes en Iran et son combat pour la promotion de la liberté et des libertés pour tous.

En se concentrant sur les droits des femmes, Narges Mohammadi souligne le droit universel à l’égalité. Elle a combattu les restrictions imposées aux femmes comme le port obligatoire du voile et d’autres vêtements couvrants ainsi que des interdictions portant sur le sport, la danse, l’activité en général. Les droits des femmes iraniennes sont inférieurs à ceux des hommes dans tous les domaines de la vie.

Sa lutte pour les droits de l’homme et la liberté a été lourde de conséquences. Elle n’a pas pu faire carrière comme physicienne et ingénieur. Elle a été harcelée pendant des décennies et arrêtée à 13 reprises. Son « crime » est de s’être exprimée en faveur des droits de l’homme et contre l’application de la peine de mort en Iran. Elle travaille depuis 2003 pour le Centre des défenseurs des droits de l’homme à Téhéran. Elle y assume un rôle déterminant depuis que la fondatrice de l’organisation – la lauréate du prix Nobel de la paix Shirin Ebadi (parmi nous aujourd’hui) – a été contrainte à l’exil. Mme Mohammadi poursuit le travail de Mme Ebadi en écrivant, en luttant, en manifestant, en s’exprimant à toutes les occasions sans en craindre les conséquences.

Elle est incarcérée depuis 2015 pour une durée de 10 ans et condamnée à 153 coups de fouet. Elle est incarcérée mais pas réduite au silence. Son activisme se poursuit derrière les barreaux. Elle engage ses codétenues dans l’éducation, la danse, le chant, les contestations. Elle a organisé des manifestations contre les violences sexuelles et la torture dont sont victimes les détenues de la prison pour femmes. En septembre 2022 c’est tout naturellement qu’elle assume le rôle de leader du mouvement « Femme, vie, liberté », né lorsque Mahsa Jina Amini, 22 ans, est tuée alors qu’elle est aux mains de la police des mœurs iranienne. Des foules nourries composées de femmes et d’hommes se font l’écho de la Charte des Nations Unies lorsqu’elles crient « Zan – Zendegi – Azadi » (Femme, vie, liberté). Des millions de citoyens en colère descendent alors dans la rue dans un mouvement pour la liberté et contre l’oppression.

Dans un entretien accordé récemment à Time Magazine, Mme Mohammadi rend hommage à Mahsa Jina Amini avec ces mots : « lorsque j’ai appris que le prix Nobel de la paix m’avait été décerné, le nom de Mahsa Jina Amini a émergé du plus profond de mon être. Ce mouvement porte son nom magnifique et c’est à elle que je dédie ce prix. »

Narges Mohammadi n’a pas été libérée pour pouvoir se rendre à Oslo et se voir décerner le prix Nobel de la paix en personne. Je suis cependant certaine qu’elle est avec nous par la pensée en ce moment précis. Elle est représentée ici aujourd’hui par ses enfants et par un portrait placé derrière sa chaise vide sur scène. Elle nous a demandé d’utiliser ce portrait en particulier car il exprime la façon dont elle souhaite mener sa vie – heureuse, habillée de couleurs, ses cheveux découverts, un regard sans faille tourné vers nous.

Mme Mohammadi vit avec la douleur de n’avoir vu ni ses enfants, ni son mari, Taghi Rahmani, depuis près de huit ans. Ils vivent en exil forcé en France.

Notre lauréate a demandé à sa fille Kiana et à son fils Ali de la représenter durant cette cérémonie. Les jumeaux, âgés de 17 ans, ont accepté de porter cette lourde charge sur leurs jeunes épaules. Ils vont sous peu vous lire le discours écrit par leur mère pour la cérémonie Nobel et recevoir la médaille et le diplôme en son nom. Kiana et Ali, j’aimerais vous remercier de mener à bien cette tâche importante.

En décernant la prix Nobel de la paix à Narges Mohammadi, le Comité Nobel norvégien reconnait sa vie de lutte pour les droits de l’homme et une société civile forte. Aucune sanction n’a pu l’arrêter. Elle a décrit elle-même sa position dans un article publié par le New York Times à l’occasion du premier anniversaire du meurtre de Mahsa Jina Amini, déclarant : « Plus ils nous enferment, plus nous devenons forts ».

Mme Mohammadi a souffert de graves problèmes de santé à répétition en détention. Une aide médicale nécessaire lui a récemment été proposée à l’hôpital, à condition qu’elle porte un voile en quittant la prison. Elle a refusé et entamé une grève de la faim. Elle a fini par être emmenée à l’hôpital pour un bref examen sous conditions sécuritaires strictes – mais sans voile. Sa détermination est sans faille. Lorsque tout lui est refusé, elle mobilise malgré tout la volonté et le courage d’affirmer sa position.

Le prix Nobel de la paix 2023 est décerné à Narges Mohammadi pour sa lutte courageuse pour la liberté et les droits de l’homme durant trois décennies et pour avoir mené le combat lorsqu’un nouveau vent de contestation a soufflé sur l’Iran.

Le prix de la paix reconnait cette année toutes les femmes courageuses en Iran et dans le monde qui luttent pour les droits humains fondamentaux et pour qu’une fin soit mise à la discrimination et la ségrégation des femmes.

Mme Mohammadi a par son travail contribué à promouvoir le rapprochement des peuples en Iran et dans le monde plus largement, respectant ainsi les dispositions du testament d’Alfred Nobel.

Le prix de la paix de cette année prolonge une longue tradition de prix décernés à des combattants non-violents pour la liberté, y compris Martin Luther King. La lutte de Narges Mohammadi peut être comparée également à celle d’Albert Lutuli, Desmond Tutu et Nelson Mandela, celle-ci ayant duré plus de 30 ans avant la fin du régime de l’apartheid en Afrique du Sud.

Les femmes en Iran luttent contre la ségrégation depuis plus de 30 ans. Leur rêve d’un avenir plus lumineux finira par devenir réalité.

To cite this section
MLA style: Discours. NobelPrize.org. Nobel Prize Outreach AB 2024. Sun. 13 Oct 2024. <https://www.nobelprize.org/prizes/peace/2023/215797-ceremony-speech-french/>

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